Rapport du B.E.P
L'autonommé
Lung, obscur employé du B.I.P, recevait chaque jour et précisément, deux
enquêtes surnuméraires sur sa pile (quelque chose de l'ordre des mathématiques
: « y = x+2 »), sans que le nombre total des enquêtes allât nez-en-moins crèche-aine-dos.
D'où s'élevait ce problème évident de répartition ? D’où venait qu’on le
défavorisât lui entre toutes les parties ? Quelque chose des mathématiques de
l'ordre : L'illuminé Lung, obscur employé du B.I.P, déplaisait puissamment à
ses n+1 et ces sous-vizirs térébrants l’acculaient méthodiquement... Chercher
les poux d’opposants désorganisés c’est être tire-au-flanc. Ce penchant très
apparent de violence ne suffisait pas cependant : en plus de l'en faire
baver ouvertement on sécrétait aussi sur son dos. L'envers se pavait de
nuisances murales qui le persécutaient invisiblement... des bruits de couloirs
dont les sombres bribes atteignaient en échos brisés le misérable… Toute
déduction faite, les conjurés du jour j ne se dévoilaient guère à l'heure h, et
les empoisonneurs diurnes dînaient avec les vespéraux... Il y avait les ennemis
des alliés et… les alliés des ennemis ! Police du vêtement et harnais de
cravate ! Chaude, molle, froide, roide, cette guerre bureaucrate fut certes un
balai chromatique… Comment donc l'autonommé Lung polarisait-il sur lui seul
tout le monceau des ruissellements sourds et des foudres guerrières ? D’abord,
le choix de l’autonomination précédait une faillite annoncée. Arrogant moyen de
distinction. Irritant désir de notoriété. Ébruitée, l'ascension par le prénom
d'un travailleur du B.I.P aurait autant le son de la nouveauté que celui de l’enterrement.
Aussi, le m'as-tu-vu Lung n’en aurait plus pour longtemps...
Incisive
défensive ou défense offensive... La seule imperfection de son aspect
consistait en une dent dorée... À l'occasion des bagarres, il évitait
soigneusement de l'endommager. Le saviez-vous ? La corne torsadée de l’éolar est
moins une lance qu'une antenne radar : la pulpe enrobe l’émail. L’hypomerde
devient l’épimerde. Derme ! Derme... Lave, glace et gueules cassées, Claude
clodo ou Jacque royal, Coquillages et crustacés... Babillages de cuistancier...
Le commis d’usine Lung décousait comiquement son exercice : Un premier tiers
(⅓) impliable de Temps (T) accordé à son devoir d’ouvrier. Le second tiers
était voué à la vie des seins et leurs aréoles, des bouts de charmeuses
dévêtues ensevelies sous les monts de papiers... pour les boulimies
pornographes des longs après-midis, des gravures grivoises qui se trafiquaient
entre les entre-deux. Remous de moments que le planning échouait à dominer. Titre
du quatrième tiers : HORS-LOGE. Extrait de son rectangle, le logicien du
Barreau se paye un défilé muet dans nos chants de vision. Ces mouvements, la
foule les suit tels ceux du bourreau. Exercer un métier de chaise ne va pas
sans déplacements capitaux. Ceintures, coalitions, rivalités, pompes, parades,
quolibets… cortège, fanfare, godillots… souliers, seringues, gonades,
bouffissures dont les clopes, les cafés, les coupe-faim, les chasses d’eau, les
césures sont autant de paratextes. De petits pas pour l’homme, un grand pas
pour son humanité. Le préposé Lung, du point a au point b, place des espoirs
dans ses enjambés... et vous, public tatillon, misez vos billes sur ses
misérables talons… vous et lui faites conséquence commune. Assez tourné autour
du pot ? Mais le 4ème tiers procède des tours de pots, le corps sain contient
l’esprit fou, et l’engourdissement se déchargera fulguramment, le déchaînement
serait à la démesure de l’enchaînement ! Le ciel gonflé fait son rejet
d’électrons, c’est l’ère de la plâtrée, de la diarrhée et de l’étron !
Entretiens-je le suspense ? Vous retiens-je et vous garrotte ? C’est le coup du
lapin, du bâton et de la carotte ! Le brigand mondain amadoue pour mieux
briguer, vous cramer les ailes au déo et au briquet... Gros Gras de
l’assurance qu’on le vit convoyer ! Ivre de convoitise à l’égard des regards !
Que Lung dérogeât à la mode de ce havre tenait du dada. Être péjoratif à son
endroit, ou pire, ne pas être admiratif, c’était, je crois, le brûler à vif. Le
complimenter... ça ! c’était jeter l’huile au brasier. Tarir était une tare. Il
eût péri pour ne jamais flétrir.
Encensements
! Des éloges pour la paix, jets de gants, tirages de chapeaux, berne et levée
de drapeaux. Piège des suppôts aurait dû s'appeler la pièce de repos. Hauts
cols, coups-bas... appâts rances, chants de leurres, collets de pâte... Mardi
Gras pour logiciens et magistrats : les sectateurs s’habillaient en
sénateurs et les zélateurs en serviteurs. Des ministres sinistres... des
gargouilles, des toux, des crachats... des fiefs disputés pour les griefs de
vermisseaux... crachins, glaire, missives, marcs, moues, sucres, écumes,
règles, vernissages, triple-sots... cuisses, raies publiques, chèques,
hématémèse, maisons closes... vît privé, coulisses injurieux, devants pires,
étoles perdues, nuques goitrées... échevins, exils, députés... aphtes,
phtisies, cendriers, salissure, paysages, vomissures... nettoyage par le bide…
outrages, rides, cachots... Quid des maréchaux ? Ils étaient en
séides. Les maires, les nonnes, les bonnes, les paires, les psaumes, les baumes…
constantes, grandeurs, éminences, irréversibilité… les mômes, les gosses, les
butins... les mort-nés, les grosses, les putains... les faux, les marmots,
les burins, les aumôniers, les apôtres, les chapelains... les prêtres, les
pasteurs, les prélats, les paladins... les abbés, les maîtres, les pitres, les
mutins... les clercs, les curés, les cuistres, les lutins, leurs pupilles
et leurs lutrins... les protonotaires, les consistoires, les fanaux... leurs
cloques, leurs ulcères et leurs cardinaux... les mages, les druides, les
évêques... leurs pages, leurs mitres et leurs pastoureaux ! Une bible putative
en livre de chevet, une morue galante tête dans le guidon… un chanoine ivre
bavant ses versets… des buveurs autour d’un guéridon… des moineaux bistres ou
vert-céladons ! Au creux du défilé, à l’orée d’une caverne, un tsar ressuscité
fait chanter ses ouailles et ses oignons... Au fond de la mine creusée au
moignon... au bas-bout de galeries anonymes... dans l’une des dix-mille
artères... un lac. Dans le lac, une baleine à bosses, dans l’une des bosses,
une fille, dans la fille, une gemme jaune ! Erratique hiératique ! Faites le
plein de vomitif ! Lung avait repassé cette forêt drue à l’orbite et au
monocle. Nique ! Il était temps d’en tirer des parties pratiques. Ne rasant pas
assez les murs et trop bien ses joues, le madré Lung se maintenait sous ces
différents ciels et prémunissait ses collègues des mauvaises marées... Union
algique et moirée d’un dé à coudre plastique et d’une aiguille paratonnerre
dorée… faire de l’ombre et du reflet. Le Zécler regardait Lung de ses gros yeux…
et lisait. C'était un curieux que ce Zécler.
Que j’abrège ? Entendu. Dans un
renfoncement de la salle de pause, l’autonommé Lung, préteur urbain de
matricule 109, rererelisait une plainte. L’enduit de lettres ne prenait pas sur
la cornée... Ça ne voulait pas prendre. Il y avait des mots et pas de
phrases... colle-à-bois contre colibri. Il s’endormit. Non qu’un employé de
bureau vraiment s'en dérange... mais 109 refit souvent ce cauchemar étrange… Le
chauffard aurait-il assez de profondeur pour être tourmenté ? Sirènes, foule,
morgue, terreur. Il se réveilla. Bifurqua vers une substance plus absorbable :
l’un des prospectus clitoridiens sur la table. Y figurait la géographie
prismatique et très constellée des loisirs somatiques. À chaque page, il
humectait un doigt jauni par mille paquets d’un tabac blond de Virginie. Tout,
et je dis bien tout, allait bien, quand, entre le mur et la sortie du
renfoncement dans lequel il s’était niché, vint s’intercaler le supérieur de
109. Vivre au-dessus du plafond ne lui suffisait plus, il érigeait dernièrement
des barrages coplanaires. Or premièrement, 109 répugnait à ce qu’on l’acculât. “Ah
109 ! Je vous tiens. Que faites-vous ?” “Mon métier. Je me renseigne.” “Et vous
agissez !” “S’il le faut.” “Et en conséquence !” “Pas toujours.” “Ma femme me
trompe.” “Encore.” “Non. Cette fois c’est la bonne. J’aurais dû dire : elle m’a
trompé. Je vous raconte l’affaire. Notez bien. Faites-moi piété ! À vos
glaviots, à vos claviers !” Voici ce que rédigea 109, je vous préviens, c’est
incompréhensible. De la fantaisie. Transcrit de l’original / Employé du
BIP 109 / Prélèvement corbeille : Tau, impératrice parturiente, enjeu
périlleux de la lutte des tranches du Rocher, fut longtemps maintenue furtive. Tout
vient à point... à qui sait entendre. Si vous, gens du commun des bordels, vous
approchiez d’elle... et si… manquant de précautions... on vous... attrapait !
Vos yeux... préventivement et avec grande précaution... on vous les embrochait
! Et si vous l'aviez vu ou l’auriez vu... on vous scierait la langue avant
qu'elle ne vili-pende ! Oui, on vous sciait rien que sur la base de si ! Il
n’était pas rare sur Aerluminocron de s'adresser à un aveugle ou de voir passer
un muet. Les descriptions de Tau ne peuvent être qu’indirectes, nous les devons
à un tel qui les doit lui-même à tel ou telle... de régression en régression...
rebroussant jusqu’à la fuite originelle... Signes, écritures, clins d'œil, qui
sait combien de termes, combien de langages ont filtré ce mythe ? Tout vient à
temps à qui sait apoindre ! Nous recousons les pans d’un profil qui s’efface...
Et ce portrait orpaillé sera peut-être démenti car au prix de nous parvenir, il
fut démonté. Les mentons fuyaient, gauches et claudiquant, dans un thorax qui
les aurait cent fois contenu. Le ??????????????????????
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résidu
illisible
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Tau.
Je ne peux vous en dire plus.
Concernant l’autre protagoniste de cette histoire et les… troubles… du Merdier,
tout ce qui concerne l’Agent U27,7 est ici, voici un premier
enregistrement : « 27.7 ! Passe la brosse à merdure ! » « Attends... » «
Nan j’attends pas. File-moi cette putain de brosse ! » Dans le boyau
tiers-plein de merdes, l’agent U24.1 arracha son masque nasal à l’agent U27.7.
Plaisanterie commune. « Rends-ça pauvre proto-type ! » Toujours dans le
boyau, l’agent U27.7 tenta de récupérer son masque. (Masque prêté par la
STEP d’Aerluminocron pour le confort de ses agents.) L’agent U24.1 lança
le masque dans ce que les agents appellent une meule, un disque d’excréments
caractéristique, engendré par l’accrétion des solides dans les coudes des
préfiltres. L’acte va à l’encontre du protocole de bonne conduite
établis dans : Attitude et comportements entre les agents, paraphe des
sévices physiques. « Ha ! Chrome ! Pile dans la meule ! Bonne chance bouseux !
J’prends ma pause. Je suis mort de rire… » « Si seulement… c’était vrai… Fils
d’oxypute... » L’agent U24.1 prit son quart de cadran de repos 4/15ème de
quart avant le moment adéquat. Dans le boyau tiers-plein de merde,
l’agent U27.7, s’enfonça et récupéra le masque au sommet de la meule, le rinça,
dans un peu de boue de la rigole, et le remis à sa place, sur son nez, non sans
un certain dégoût. Il avait gardé la brosse à merdure... elle se partage les
quatre mains de deux agents car elle n’est utile qu’en cas de couac. Couac (terme
jargonautique du Merdier) nom masc : petit amas d’excréments extrêmement dur
qui résiste aux éponges à récurer courantes. Les agents débutants se ruent
sur ces couacs... les bruits d’usines et autres racontars prolétariens les
chargent de trésors. Il n’en est, 99.9998% du temps, rien. Or, l’agent U27.7
s’avança mollement vers la merdure et brossa longuement l’amoncellement. Sans
déranger les protocoles d’utilisation ni déroger à ses prérogatives. Mais
c’est ici que l’affaire s’envenime. Au fil des coups du gros grattoir se
profile lentement une forme dont les détails se précisent... je veux dire que
se précise une forme dont les détails se profilent : L’agent U27.7 recula de
surprise... Oui ! Exactement cela ! Dans un tas de merde ! C’est
fou ! U27.7, guidé par sa nature craintive s’empressa réflexement de
cacher l’objet dans la seule poche secrète qu’il possédait... il l’inséra, non
sans une certaine grimace, dans la région consacrée à la pudeur que vous avez
devinée. Cet évènement serait passé inaperçu si U27.7 (qui avait repris
sa tache) c’était représenté le lendemain. On ne le vit plus au Merdier. C’était
il y a six quadrans. Oui. Comme quoi... il y a des sous-métiers.
Ce qui nous mène à vous, Agent Tau. Pourquoi vous ont-ils mentionnée l’un comme l’autre ? « Oui… ce n’est pas rien. » Vous ne sentez pas l’aventure ? « Une piste ? » Les Boyaux. « Les Boyaux… Je n’y suis jamais descendue. » Il parait que ce n’est pas charmant. Vous savez ce qu’on y dit des femmes ? Moi non plus. Or il me faut des on-dit d’en bas Tau ! Traînez les oreilles... Relacez vos lacets devant les portes closes... Écoutez les bruits urbains... ce genre de choses. Laissez à des gens comme moi le luxe de faire faire. Soyez attentive et… faites attention ! Le lapin est entré dans le chapeau. « Le ver est dans l’Apple. » Je vous laisse le choix du pénétrant et du pénétré… du pelé et du pelant. Tau s'en retourna chez elle. Le jour était un peu jeune pour investiguer. Dans l’épaisse avenue orangeâtre, les petites lanternes à chandelles arrachaient les démons à leur ténèbre... Et... Pardon. J’abrège. Bien. J’essaierai de ne plus m’excuser. Notre étage, bien que plutôt dans les hauteurs d’Aerluminocron est encore assez sordide pour être repoussant. Il y a toujours pire vous me direz. C’est vrai… il n’y a pas toujours pire. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se rouille. Tau, ébouriffée d’une nuit brusquement interrompue, défilait, mélancolique et vertueuse, vers son taudis… Mélancolique ? Nous le savons car les cérébrales irriguaient en zones mélancoliques. Et puis ça se voyait à la bouille. Derrière elle, qui faisait mine de perdre des plumes, lévitait mécaniquement le faux faucon... L’émerillon d’Intelligence Amicale surnommé Merlin. Modèle de service typique. Nous sommes au fait de beaucoup des éléments qui vont suivre par le biais de ce familier… nous étions certains d’en être les maîtres. Les compagnons mécaniques offrent un support technique sérénisant et sécurisant. Ils créent et même récréent. Ils veillent et parfois… même... surveillent. Archivant le quotidien de nos employés. Ce n’est pas vécu comme une intrusion dans leur intimité. Nous les convainquons que personne ne voit vraiment ces enregistrements et que les données sont éliminées à chaque retour de cadran. Mensonge. Cela dit, il est vrai, qu’en général, et, coutumièrement, personne, ne visionne ces bandes. Ça n’empêche pas d’aller à la messe et au bordel avec le même chéquier… on se dévêt encore dans l’écho des pailles à son… au fond du vase il y a toujours de la vase. Il n’y a que les cacochymes et les vétillards qui se cachent cachent en se donnant des façons souterraines… des manières minières. Du moins… C’est ce que nous croyions. Je poursuis. dimension, qui devait bien renfermer quelque chose… Je vis… je vis encore… d’autres dessins… d’autres couleurs mémorables, alors j’interrogeai l’émerillon : « Quelles sont ces peintures que je vois au centre du triclinium ? » « L’Iliade et l’Odyssée. Sur la gauche, vous voyez un combat de gladiateurs. Êtes-vous satisfait par ma réponse ? »
Mais je n’avais pas le temps d’examiner à loisir toutes ces curiosités. Déjà nous arrivions à la salle du festin. À l’entrée se tenait un intendant de maison, recevant des comptes… ce qui m’étonna le plus fut d’apercevoir, sur le chambranle de la porte, des haches dont l’extrémité du manche se terminait par un éperon de galère en airain, sur lequel était écrit :
LE III, ET LA VEILLE DES IDES DE MARS,
NOTRE MAITRESSE TAU SOUPE EN VILLE.
Quand nous retrouvâmes l’autonommé
Lung, nous n’avions plus beaucoup d’espoir de le retrouver. Aux myalgies se
mêlèrent mes larmes de joie ! Il était bien là ! Au fond d’un des derniers
puits de glace qu’exploitent la compagnie AQUA© pour aqueduquer l’Aérochrome.
Elle prélève juste ce dont la ville a besoin. Plus un petit supplément... pour
elle-même et pour... vous savez qui. Je sais. Ça ne me regarde pas. Lung était
donc fourré là. Ni lui ni personne ne l’appelait plus Lung. Il était redevenu
U27.4, agent des conduits de la Cité. C’est bien lui. Hagard et pelotonné dans
une série de duvets. De défection en défection, l’autonommé Lung s’était vu
dégravir un à un les échelons. Mais il se tient au milieu d’un hémicycle creusé
dans lequel on commence à s’installer. Lentement, tout à fait lentement, les
quelques mineurs restés à s’épuiser au fond boyau remontent au niveau zéro... poussant
leurs malles pleines aux rebords de sorbet. Ils font peser la givrure par leur
Prote Superviseur, une balance AQUA©… et courent... piochant dans une verdeur
dernière... se ruent au réfectoire. C’est la vie de tous les soirs. Saucisses-lentilles.
Balade boudine ! Ils courent à la pièce ! Pas le temps de rechigner ! Chemin
faisant, regardent les étoiles... Pourtant, ils n’en ont pas le temps. Ils
regardent les étoiles innombrables ! Quoique ce soir... on dirait qu’avec un
peu de patience... on pourrait les dénombrer ! Ils n’en ont pas le temps dis-je
! QUAND SOUDAIN ! Des clarinettes… et puis haut, très haut, un hautbois… ils
relèvent leur cache-oreille et tels de petits grains se plantent dans les gradins…
QUAND SOUDAIN ! Narrais-je. Au-dessous des mineurs, le rideau se lève sur un
décor : une grosse lune au-dessus d’un radeau ! Aspirant en silence les
assiettes creuses...
rêvant de fumées,
s’assoient et digèrent,
près de l’orchestre, discrets,
même s’ils rotent un peu d’air…
sirotent six verres, souvent pleins,
d’un cognac qui se marie encore bien…
toujours, rituellement servis en tulipes
juste comme le maître de chais l’exige…
apprends qu’eau-de-vie mature se fige.
à sa mort fût de chêne fit un cippe.
eux, changent leurs nippes…
c’est qu’ils s’appliquent
en savourant l’arôme.
c’est
pour
être
sans
ta
che
sur
les,
tuniques assorties à leur cigare
fantôme
Pardon. J’accélère. Au centre des planches se montra notre barbu fourré. Fourbu
et bourré. Oui. Une autre manière de le dire. Il dit :
« Les mains décharnées posées sur ses épaules, nos pas
éthérés nous entraînent en cadence, la musique s’est arrêtée au milieu de
l’envol, un coup, puis deux, et cesse la danse, sa peau avait la
douceur de la mangue, quand je caressais tendrement son visage... maintenant
c’est le fandango qui nous tangue, pour les quatre ans que dure notre
voyage... »
Son
traintrain dans la mine gelée lui convenait. Tout portait à le croire. Pourquoi
changer ? Pourquoi fallait-il que ça change ? Nous n’avons
pas lu les signes habituels... Je veux dire... il pointait très tard le soir et
très tôt le matin. Avec un rendement plus que bon. Il n’y avait pas de
problème. No hay problema. Et encore aujourd’hui, si je ne voyais pas le
problème, je ne croirais pas qu’il y en ait un. Non ! Sa vie dans la mine
glacée n’avait pas l’air de trop lui déplaire ! ... Épuisé, il se couchait
tôt. Reposé, il se levait tôt. Et n’avait, c’est ce que nous pensions, rien à
penser. Nous étions idiots ! Mais pas dans notre référentiel... aussi
ignorions-nous notre idiotie. U27.4 se couchait tôt mais s’endormait
tard. De plus. Il se réveillait bien plus tôt qu’il ne se levait. Cela
figure dans les premiers compte-rendu que nous rendit...
Oui.
Tau. La chose que ce temps perdu lui procurait ? Ce qu’il
mijotait dans son lit... le nœud de l’affaire y est contenu... le drôle
rédigeait des jeux de rôles à destination des mineurs : Chaque
participant endosse un pseudonom et récite un texte à une audience. Oui en
imitant et en mimant…Quand il quitte la scène, le participant reprend son
matricule... Tout à fait. L’affaire s’ébruite et... de dissémination en
dissémination... Oui. Le spectacle s’intitule « 4 éléments ». Si je
l’ai vu ? Ce n’est vraiment pas si terrible. Quatre fois. Voyez par
vous-même. Voici l’ouverture.
«
Clause de non-responsabilité́ : cette représentation pourrait générer en vous
un sentiment de profonde ignorance. Vous pourriez regretter l’avoir vu car elle
est susceptible de vous ouvrir les yeux sur l’illusion de leur ouverture. Nous
ne voyons pas le réel. Des ondes et des particules frappent les cellules
photochimiques de notre rétine. Les réactions chimiques sont traduites en
activité́ électrique que le nerf optique transmet au cerveau… Et le signal
lumineux prend forme, notre cerveau fabrique une image, il fige le
feu qu’a reçu nos yeux. Beaucoup de choses n’ont aucune existence hors de notre
pensée. Nous percevons un réel dissimulé. Rien n’était écrit. Alors nous avons
mis la main à la pâte. Faire la science, c’était admettre une série d’énoncés
initiaux, des axiomes a priori qui servirent un processus de
simulation… nous n’avons pas découvert le monde, mais de nouvelles façons de
nous le figurer. Pour autant, chaque humain semble être une consécution de
concrétisations concrètes. Le génie caché ne sert à rien, il n’a pas de
réalité́. En 480 avant notre ère, Empédocle se jette dans l’Etna pour mettre
fin à sa vie mortelle. Tout changement soudain s’explique par le feu...
Réconfort, torture ; âtre, incendie ; tutélaire et terrible, la
flamme sait se contredire : elle vous accueille et vous tient en
respect. Depuis des temps bien plus reculés, le vase du vieux titan Océan
déverse continuellement les eaux des mers et des ruisseaux… Terme de la
titanomachie (guerre opposant les titans aux premiers dieux), Jupiter, Neptune
et Pluton surgissent et larronnent l’urne du vieillard. Océan dévore des yeux
les trois frères, hausse poussivement ses vastes épaules… et brûle son palais
pour échapper à la fin de son histoire… Le feu est une overdose, une
révolution dont se dégage un je-ne-sais-quoi d’ancien en soi, un brasillement,
une phosphorescence des aurores dévorées de l’humanité́. Décembre 95, jour
d’ouragan. Six insulaires de l’île-de-Bréhat distinguèrent distinctement une
troupe d’anthropomorphes dansant dans l’anticyclone au moyen de voiles brodées
autour de vêtements. Une anémochorie de samares... disséminées dans l’air avec
l’organdi de leurs simarres... Quinze jours plus tard, en gare du Chrome,
on demandera son avis sur les quatre éléments à un clochard. Après une
longue bagarre contre lui-même il criera, je cite : « Mon rut,
mes rites, ma rate... mes eaux bues... mes bombes… ma terre, mon
blé́, mes pattes… mon feu, mon eau, mon plat ! Mon cul, mes cuisses,
mes courses ! Eaux troubles... air conditionné... boues... feux
follets... des conceptions maculées... petits dieux élémentaires... dans
les gouttes telles divinités… en telle forge ronronne un chat démon... des
tribus aériennes... des locataires du sable
mouvant... Prométhée chipe la roue du char solaire pour
l’amarrer à des rives moirées... Voilà ! Des soieries
olympiennes, des trésors vénériens ! Du creux des cryptes aux
berges barges... Feinte et feux, nez fin, je vais décroissant... mon
phallus à faim, je veux des croissants ! Mon or, mes chiards,
mon chien tombé dans un panneau photo-volcanique... Ma mère, mon pet, mon
frère ! Mes frais, mon fric... la vérité dans mon froc ! Mes
tares, l’éther… mon flair ! Mes frasques, mes fresques, mes
frusques... Je brille je braille je brouille... ma gymnastique, mon vrai
jumeau, mes millions de gemmes fragmentaires... le Château Margot changé en pinard
élémentaire... »
La
cité me fatiguait… détruite, redétruite, puis rereredétruite, le Chrome
connaîtrait enfin son répit... engloutie par l’Océan... On la retrouverait
d’ici à six-cents siècles je le sais... gerbée sur quelque grève, elle
émergera… bourrée des fossiles de ceux qu’elle hébergeait... « Ma rame mes
rimes mon rhum ! » Le clodo boxeur me poursuivait... tant pis, voilà mon
avis sur les éléments :
La
musique démarre dans le salon... et s’accroit dans l’appartement... portant sa
croix... traverse la chambre... doucement... passe en revue les oreillers...
les revues, les BD... des affiches, des instruments, des billets... puis c’est
dans la salle d’eau qu’elle abcède... enfle... dans un petit lagon émaillé d’à
peine un demi-mètre carré… le son dessine des signes dans l’eau et désaxe les
danseuses au-dessus des bougies. Elles se noient dans ce qui les alimente. Il
faisait chaud dans la pièce pleine de vapeur. Touchant son front d’une paume
aplatie, elle croise les jambes, tourne sa page, ils sont là... Les éléments !
Oui... Mes mains décharnées posées sur ses épaules, nos pas éthérés nous
entrainent en cadence... la musique s’arrête au milieu de l’envol... un cou
puis deux et cesse la danse... sa peau avait la douceur de la mangue... quand
je caressais tendrement son visage... maintenant c’est le fandango qui nous
tangue... pour les 4 ans que dure notre voyage...
Un
petit coup au carreau, comme si quelque chose l’avait heurté, suivi d’une ample
chute légère comme des grains de sables qu’on eût laissés tomber d’une fenêtre
au-dessus, puis la chute s’étendant, se réglant, adoptant un rythme, devenant
fluide, sonore, musicale, innombrable, universelle : c’est la pluie… »
Voilà.
Le prologue se terminait ainsi. C’était un enregistrement. Il n’y a pas de
pluie. Seulement l’idée de la pluie.